Kalu nous a proposé d’assister à l’exorcisme d’une de ses voisines.
Celle-ci vivait jusqu’à présent en Allemagne avec son époux et ses 3 enfants.
Ils viennent de décider de s installer au Sri Lanka car Madame souffre depuis une dizaine d’années de troubles de l’équilibre, de vertiges, de sensations étranges qui l’ont conduit à penser qu’on lui avait jeté un sort. De multiples examens pratiqués en Allemagne (scanner, IRM,…) n’ont rien révélé.
En désespoir de cause ils ont fait appel à 3 sorciers locaux qui vont se relayer pendant 3 jours et 3 nuits pour pratiquer l’exorcisme. Nous arrivons chez eux en toute fin d’après midi du 3ème jour.
C’est le moment crucial du rituel. Les 2 premiers jours ont été consacrés aux préparatifs :
Confection de paniers de fleurs
Construction de torches en bambou avec lesquelles les sorciers délimitent le pourtour de la maison en les reliant par des fils de coton.
Récupération d’un crane de vache et d’un occiput humain (si, si !!!) dans lequel cuira un œuf, baigné du parfum acre des quelques cheveux restants qui se consument.
Kalu nous explique que la femme a absorbé « du poison » ; il est vrai qu’elle titube depuis quelques minutes. Elle ne tient plus en place, s’agite, se frotte les jambes, le ventre, les reins ; puis soudain des larmes se déversent, flot ininterrompu de douleurs et de lutte. Ses yeux se révulsent puis le calme la gagne. La cérémonie peut continuer entrecoupée de « pause thé », pour accorder aux sorciers qui se relaient auprès de la femme pour psalmodier depuis des heures, un repos mérité.
Notre présence nous semble incongrue. Installés sur la terrasse sur des chaises en plastique nous nous apparentons à des voyeurs nocturnes, des voleurs d’âmes et de secrets, des parasites assis guettant le moment propice, la transe libératoire.
La famille, pourtant, nous sourie, nous offre du thé parfumé et des bananes.
L’époux vient s’asseoir près de nous et nous explique son désespoir et sa lassitude. Il a du abandonner son travail de routier pour élever ses enfants car son épouse n’en est plus capable.
Les litanies se poursuivent, telles des mantras monotones et monocordes. La nuit s’avance, les enfants commencent à clore leurs paupières et sont emmenés au lit.
On nous convie dans le salon, lieu du message adressé aux esprits. La pièce est parsemée de bougies qui exhalent une douce odeur d’huile de noix de coco. De multiples bâtonnets d’encens diffusent leur parfum enivrant qui se mêle aux effluves de pilosité grillée
Kalu nous explique que la transe véritable ne débutera que dans quelques heures et qu’il est temps de quitter les lieux.
Le retour se fait en silence et le lit nous accueille à contrecœur, témoin involontaire de nos rêves agités par des danses lugubres.
Superbe narration qui nous a un peu angoissée.
RépondreSupprimerToutes nos félicitations à l'auteur.
Pat,jé & Co.